France
2020 Balzan Prize for Environmental Challenges: Materials Science for Renewable Energy
Acceptance Speech – Rome, 18.11.2021 (french, Video + Text)
Monsieur le Président de la République,
chers Présidents de la Fondation Balzan,
mes chers collègues lauréats et lauréates,
Mesdames et Messieurs,
Nous sommes ici rassemblés pour la remise du Prix Balzan et c’est pour moi un très grand honneur de recevoir cette prestigieuse récompense. Pour commencer, je tiens à remercier vivement le comité de sélection. La quantité de messages de félicitations que j’ai pu recevoir de la part de mes collègues professeurs du Collège de France ou académiciens témoignent du prestige de ce prix très prisé. Aujourd’hui, c’est l’ensemble de mes travaux dédiés aux défis environnementaux et relevant de la science des matériaux pour de meilleures batteries pour le stockage de l’énergie qui est récompensé. Recevoir un tel prix sur la terre d’Alessandro Volta, inventeur de la première pile, est, au-delà du symbole, une grande fierté pour moi. Cependant, cette distinction, bien plus qu’une récompense individuelle, est la reconnaissance de l’importance de la recherche dans son ensemble pour répondre aux grands défis énergétiques d’aujourd’hui et de demain.
Tout scientifique est influencé par ses pairs qui l’ont précédé. Et je ne fais pas exception à la règle. Durant ma jeunesse, je fus marqué par une phrase d’un de nos éminents chimistes du solide français, Robert Collonges, qui écrivait : « Le rôle du chimiste n’est-il pas de transformer la matière pour l’adapter à nos besoins et d’en faire un solide utile ? ». C’est ainsi que j’ai dédié une partie de ma carrière à la recherche de nouveaux matériaux voire de nouveaux concepts pour les batteries et cela avec le désir constant de les transformer en des technologies utiles pour notre société.
Les nouvelles idées et les nouveaux concepts que nous pouvons avoir ne sont que le fruit de discussions et d’échanges scientifiques passionnés. À ce titre, je ne peux que remercier les brillants et talentueux chercheurs que j’ai eu le privilège de côtoyer au cours des années, que ce soit aux USA dans les laboratoires de la Bell où j’ai travaillé au développement de la batterie plastique à ions Li, ou lors de mon retour à Amiens au sein du LRCS, où nous avons découvert une nouvelle réactivité du lithium baptisée réaction de conversion.
Je tiens également à remercier ici mon groupe actuel, composé de chercheurs et d’étudiants enthousiastes et passionnés qui connaissent mieux que quiconque la valeur du travail d’équipe. C’est avec eux, et au sein de l’environnement scientifique exceptionnel qu’offre le Collège de France que nos recherches sur le Na-ion ont permis la création d’une filière française de batteries (avec par exemple la création de la start-up TIAMAT) et que nos derniers travaux sur le phénomène dit de « redox anionique » permettant un doublement de capacité des matériaux d’électrodes ont vu le jour. Nous avons ainsi mis fin à 25 ans de croyances bien établies. Il s’agit là, je l’espère, d’un nouveau paradigme dont on ne peut pas encore estimer, à ce jour, tous les avantages qui en résulteront pour notre planète.
Recherche et enseignement sont et resteront les deux priorités de ma vie professionnelle. Le Prix Balzan s’accompagne d’une récompense financière que je compte bien utiliser pour inculquer la passion des sciences à davantage de jeunes chercheurs. Mon objectif est de susciter leur curiosité et leur souci de l’utile, de développer leurs convictions et leur intuition mais aussi de provoquer chez eux le désir de rêver et de s’enthousiasmer autour d’idées parfois farfelues qui sont d’autant plus excitantes que l’on s’embarque vers des horizons inconnus. Evidemment, cette somme d’argent sera utilisée pour financer des projets scientifiques futuristes tels que le développement de batteries intelligentes via l’injection de fonctionnalités de diagnostics et d’autoréparation, à l’image de ce qui se fait dans le domaine médical, ou la mise au point de procédés de recyclage courts. Notre ambition est d’obtenir des systèmes de stockage plus fiables, durables et donc à faible empreinte CO2.
Enfin, je témoignerai que malgré l’âge le métier de chercheur demeure toujours aussi captivant, passionnant et enrichissant, si l’on refuse de s’enfermer dans les silos étroits des connaissances et des vérités que l’on pense être immuables, et si l’on reste avide de curiosité, à l’écoute des autres et ouvert aux opportunités. Ce sont d’ailleurs les multiples rencontres avec mes collègues qui ont façonné le chercheur que je suis devenu.
Mesdames, Monsieurs, je vous remercie pour votre attention.