France
1994 Balzan Prize for Biology (Cell Structure)
L’évolution des recherches sur la structure des synapses: Rome, 16.11.1994 (French)
Un des premiers problèmes que se posèrent les histologistes et les physiologistes spécialisés dans l’ étude du système nerveux fut celui de la nature des synapses qui assurent la communication des cellules nerveuses entre elles ou avec les cellules d ‘organes effecteurs tels que les muscles . Chaque cellule nerveuse est-elle , au niveau de sa jonction avec d ‘ autres cellules , limitée par une membrane qui l ‘ individualise anatomiquement – c’est la théorie du neurone – ou est-elle reliée à ces cellules par de fins réseaux assurant un e continuité cytoplasmique et conférant à l’ensemble du système nerveux un caractère syncytial? La solution de ce problème, dont l’étude opposait ” neuronistes ” et ” réticularistes “, était évidemment d ‘ importance primordiale pour comprendre l ‘organisation et le mode de fonctionnement de tous le tissus excitables.
Les principales causes de ce désaccord , qui suscita parfois des débats d ‘ une rare violence , résidaient surtout dans la complexité structurale du système nerveuxet dans l’ insuffisance des techniques dont on disposait alors; mais le refus de la théorie du neurone s’expliquait aussi chez certains biologistes par un préalable doctrinal. L’extension de la théorie cellulaire au système nerveux leur apparaissait comme une extrapolaion simpliste et le découpage du système nerveux en petites unités individualisées par une membrane était, à leurs yeux, difficilement compatible avec le caractère hautement centralisé de fonctions cérébrales. Tous les arguments en faveur de la théorie du neurone ont été rassemblés par Ramon y Cajal dans son dernier mémoire, intitulé ” Les preuves objectives de l ‘ unité anatomique des cellules nerveuses” qui parut en 1934, l ‘ année même de sa mort, et peut être considéré comme son testament scientifique. Cette oeuvre magistrale ne mit pas un terme à la querelle des partisans de la ” contiguïté” ou de la ” continuité”, qui atteint son paroxysme vers 1937 , comme en témoignent les débats de la ” Deutsche anatomische Gesellschaft” , dont le congrès se tint cette année-là à Koenigsberg . Le statut de la cellule nerveuse était à l’ordre du jour de ce congrès et les trois spécialistes chargés de la préparation des rapports sur cette importante question contestèrent la validité de la théorie du neurone. Bo ke alla jusqu ‘à dire qu’on pouvait désormais considérer cette conception comme entièrement périmée.
MISE EN ÉVIDENCE DES MEMBRANES SYNAPTIQUES
A l ‘époque du Congrès de Koenigsberg , les aspects de synapses les plus favorables à la conception neuroniste s’ observaient principalement au niveau des boutons par les quels les arborisations terminales de cellules nerveuses entrent en rapport avec la surface du soma ou des dendrites d’autres cellules nerveuses. Chacun des boutons terminaux d’ une cellule apparaît en effet séparé de la surface de l’autre cellule par un intervalle extrêmement mince , dépourvu de neurofibrilles; mais cet intervalle était interprété, selon les techniques de fixation ou de coloration utilisées et selon les auteurs, comme un ” ciment intercalaire” , ou une membrane, ou une interposition de cytoplasme névroglique, ou encore comme un artefact de rétraction dû aux techniques. Aucune observation morphologique ne pouvait donc être considérée comme tout à fait concluante en ce qui concerne la nature des relations qui unissent entre elles des cellules nerveuses. Quant aux jonctions neuromusculaires ou synapses myoneurales, les techniques d’ imprégnation argentique n’avaient pas non plus permis de préciser quels sont à leur niveau les rapports membranaires de la fibre nerveuse motrice et de la fibre musculaire striée . Boeke avait décrit à l’aide de ces méthodes un “réseau périterminal ” ( periterminales Netzwerk), qui assurait selon lui la continuité entre les neurofibrilles de la terminaison nerveuse et les stries Z des faisceaux myofibrillaires. Cajal avait pu, lui aussi, à l ‘aide de techniques d’imprégnation argentique, mettre en évidence un réseau comparable à celui de Boeke, mais il niait l’ existence de relations entre ces réseaux et les neurofibrilles de la terminaison et supposait qu ‘ il existait entre eux une membrane, mais trop mince pour être visible avec le microscope. Les techniques argentiques se révélaient donc incapables d’élucider par des colorations fibriliaires la nature des rapports de la fibre nerveuse et de la fibre musculaire au niveau de leur jonction. Elles étaient, d’autre part, inaptes à colorer les membranes plasmiques et par conséquent la membrane synaptique dont les neuronistes admettaient hypothétiquement l’existence .
Grâce à des colorants d’aniline, violet de méthyle, violet de dahlia et surtout vert Janus B, utilisés postvitalement , une frontière continue séparant la partie musculaire de la terminaison axonale a pu être mise en évidence sur le frais ou après une fixation par le molybdate d’ammonium stabilisant la coloration. La membrane colorée par le vert Janus Brecouvre la fibre musculaire sur toute sa surface, aussi bien synaptique que non synaptique. Sur des coupes sériées, il a été possible de montrer que cette membrane délimite des cavités en forme de gouttières, les “gouttiè res synaptiques” ( 1944) , qui dépriment la surface du sarcoplasme jonctionnel et sont occupées par les rameaux de la terminaison axonale. Cette membrane appartient en propre à la fibre musculaire et survit à la dégénérescence de la fibre nerveuse après section du nerf moteur. Des images entièrement superposables à celles que fournissaient ces procédés de coloration ont été obtenues quelques années plus tard par des techniques de détection histochimiques d’enzymes liées aux membranes jonctionnelles. Ainsi était mise en évidence pour la première fois au niveau de la plaque motrice une membrane synaptique continue, dont la présence établissait la validité de l’ interprétation ” neuroniste” des synapses. L a coloration par le vert Janus B ne montra pas seulement l’existence d’ une membrane sarcoplasmique continue au niveau de la synapse myoneurale. Elle révéla aussi l’existence à la face profonde de la membrane sarcoplasmique d’organites spéciaux, en forme de lamelles , présentant en section optique l ‘aspect de bâtonnets , et qui se trouvaient par leur ténuité à la limite du pouvoir séparateur du microscope photonique. Ces lamelles, attachées par un de leurs bords à la membrane sarcoplasmique, s’observent exclusivement dans les régions de cette membrane qui délimitent les gouttières synaptiques et siègent par conséquent immédiatement au-desso us des rameaux nerveux qui occupent ces gouttières. L’ensemble des lamelles constitue l”’appareil sous-neural” ( 1946) ou appareil sous -synaptique, qui a fait depuis l ‘objet de nombreuses recherches à l ‘aide des techniques les plus variées, et sur lequel nous reviendrons ultérieurement.
Ce n’est qu ‘en 1954 que furent obtenues, aux Eta ts-Unis, et simultanément par plusieurs équipes, les premières micrographies électroniques de synapses interneuronales et myoneurales. Elles démontraient clairement qu ‘au niveau des synapses interneuronales les cytoplasmes des deux cellules sont limités par leur membrane plasmique comme en tout autre point de leur surface et que les deux membranes plasmiques sont non seulement bien distinctes l’une de l ‘autre, mais qu ‘elles sont même séparées par un intervalle, la fente synaptique. Elles confirmaient aussi l’ existence au niveau de la synapse myoneurale d’ une membrane sarcoplasmique continue et montraient que les lamelles de l ‘appareil sous-neural résultent du plissement de cette membrane, qui s ‘effectue indépendamment de la membrane neuronale présynaptique.
SPÉCIALISATIONS PRÉSYNAPTIQUES ET POSTSYNAPTIQUES
Dans cette revue des principales étapes des recherches sur la structure synapses, je n’envisagerai que l’étude des synapses “chimiques” , dont le fonctionnement repose sur la libération d’ un transmetteur chimique.
DONNÉES ULTRASTRUCTURALES
Bien que la continuité morphologique soit évidente entre les formations membranaires limitant deux cellules au niveau d’une synapse chimique et celles qui limitent ces cellules en dehors de la synapse, les membranes observées au microscope électronique présentent généralement dans la région de leur apposition une épaisseur plus grande qu’à la surface des regions non synaptiques. Ces “épaississements” membranaires ont été considérés d’abord par beaucoup d’auteurs comme des épaississements des membranes plasmiques elles-mêmes; ils sont dus en fait à la présence au niveau de la synapse de couches cytoplasmiques opaques aux électrons, d’étendue et d’épaisseur très variables selon le type de la synapse, et qui adhèrent à la face profonde des membranes plasmiques ou plasmalemmes. Ils ‘agit des spécialisations les plus superficielles de cytoplasmes juxtasynaptiques, qui se coJTespondent de part et d’autre d’une fente synaptique et dont l’ensemble constitue un “complexe synaptique” (Palay, 1956). Du côté présynaptique, cette spécialisation revêt souvent L ‘aspect de saillies denses (presynaptic dense projections), plus ou moins nombreuses, attachées par leur base au plasmalemme. qui peuvent être reliées entre elles, dans le cas des synapses interneuronales, et constituer une “grille” présynaptique. Du côté postsynaptique, la formation dense est généralement unique et correspond à ce qu’on appelle communément la “densité postsynaptique”. Une des caractéristiques essentielles des régions juxtasynaptiques du cytoplasme neuronal.c’est la présence de vésicules synaptiques (De Robertis et Bennett, 1955), comprenant de petites vésicules. de 45 à 55 nm de diamètre, centrées ou non par un granule opaque aux électrons, et de grandes vésicules à coeur dense (large dense-cored vesicles), d’un diamètre supérieur à 70 nm. On y trouve égalemenl un réticulum lisse d’abondance extrêmement variable et d’assez nombreuses mitochondries; mais les ribosomes en sont absents. L’examen en microscopie électronique des jonctions neuromusculaires a également permis de combler beaucoup de lacunes des observations antérieures. Il n ‘était pas clans les moyens de la microscopie photonique de préciser comment sont disposés à l ‘intérieur des gouttières synaptiques les rameaux nerveux et le cytoplasme des cellules de Schwann terminales. ou téloglie, qui les accompagnent, ni de définir avec la rigueur nécessaire leurs relations avec le plasmalemme musculaire. En même temps qu ‘elles confirmaient la description de l’appareil sous-neural. les premières observations de la jonction neuromusculaire avec le microscope électronique résolurent ces problèmes de manière définitive. Dans la gouttière qu’il occupe, chacun des rameaux nerveux. bien limité par son plasmalemme, est en rapport par sa partie profonde avec la fibre musculair et par sa partie superficielle avec une mince lame de cytoplasme télogilque, qui revêt le rameau sur toute sa longueur, mais le laisse découvert du côté de la gouttière sarcoplasmique. Au niveau des gouttières, les plasmalemmes qui limitent respectivement les rameaux nerveux et le sarcoplasme, c’est-à-dire les membranes présynaptiques et postsynaptiques, sont séparés par un intervalle, la fente synaptique, large de 30 à 50 nm. Cette fente est partiellement occupée par la lame basale qui revêt toute la fibre musculaire.
DONNÉES CYTOCHIMIQUES
Parallèlement aux débats morphologiques que j’ai rappelés plus haut et qui mirent aux prises neuronistes et réticularistes, des discussions assez vives eurent également lieu entre les neurophyiologiste sur le mode de fonctionnement de synapses: la transmision synaptique d’une cellule à l’autre est-elle assurée par un mécanisme électroionique ou grâce à la libération d ‘un médiateur chimique? Les expérience de Loewi sur le rôle de l ‘acétylcholine (“Vagusstoff”) dans I ‘action inhibitrice exercée par le vague sur la contraction du muscle cardiaque de la grenouille, bien que datant de 1921, étaient encore très discutées. L’opposition devint encore plus sérieuse quand l ‘hypothèse d’une médiation chimique de la transmission synaptique, d’abord limitée au système nerveux autonome,. fut ensuite envisagée pour le système nerveux cérébro-spinal et, en particulier, pour la jonction neuromusculaire (Dale et Feldberg, 1934). Comme les jonctions neuromusculaires, et en particulier celles de la grenouille, étaient depuis très longtemps l’objet de recherches physiologique et pharmacologique, c est sur elles que se concentrèrent principalement tous le. efforts pour confirmer ou infirmer l ‘hypothèse d’une médiation chimique par l ‘acétylcholine.
L ‘équivalence fonctionnelle de fibre nerveuses motrices du muscle strié et des fibres préganglionnaires du sympathique, reconnue depuis longtemps grâce à des expériences de régénération nerveuse avec anastomoses hétérogènes, ainsi que diverses analogies établies par des méthodes électrophysiologiques et pharmacologiques ont montré que les synapse myoneurales s’apparentent assez étroitement à certaines synapses interneuronales. Comme les synapses ganglionnaires et centrales sont généralement mal individualisées et d’un accès parfois difficile, la synapse myoneurale – y compris les diverses jonctions nerf-électrocytes qui n’en son t souvent que des modalité – tend à devenir, en quelque sorte, le banc d’essai de hypothèse les plus générales sur le fonctionnement des synapse . C’est surtout à travers les travaux qui ont été consacrés à cette synapse cholinergique que je décrirai l ‘évolution ultérieure des recherches sur les structures synaptiques.
Premières identtifications de constituants synaptiques
En admettant que l ‘acétylcholine puisse intervenir comme neurotransmetteur dans la transmission de l’excitation du nerf au muscle strié, il fallait en même temps supposer que l’acétylcholine libérée pût être détruite durant la période réfractaire, c’est-à-dire en quelques millisecondes. Parmi les mécanismes capables d ‘une destruction aussi rapide de l ‘acétylcholine, l ‘action hydrolysante de cholinestérases était l’une des premières à prendre en considération puisque la présence de ces enzymes avait été démontrée dans la plupart des tissus animaux.
Il subsistait néanmoins une difficulté: la concentration moyenne de l ‘enzyme dans le muscle strié est beaucoup trop basse pour expliquer une action extraordinairement rapide comme celle qui était requise dans l’hypothèse d’une transmission chimique de la transmission. Une étude de la distribution de l’enzyme dans le muscle strié a montré qu’en réalité la cholinestérase est très inégalement distribuée dans le muscle et si fortement concentrée au niveau de la jonction neuromusculaire qu’il devenait concevable que cette enzyme pût hydrolyser l’acétylcholine durant la brève période réfractaire. Le fait fut établi par la comparaison des activités cholinestérasiques de portions du sartorius de grenouille contenant des jonctions neuromusculaires ou n’en contenant pas (Marnay et Nachmansohn, 1937).
En suivant les variations de l’activité cholinestérasique des plaques motrices après dénervation, il fut possible de montrer sur des muscles rapides de mammifères que les cholinestérases sont beaucoup plus concentrées dans la partie postsynaptique des plaques motrices que dans les terminaisons nerveuses (1938-1942). En tenant compte de l’ensemble des données biochimiques et cytologiques, il apparut probable quelques années plus tard que la haute activité cholinestérasique de la jonction neuromusculaire siège principalement au niveau de l’appareil sous-neural (1947). La vérification cytochimique de cette hypothèse fut apportée par les résultats obtenus à l ‘aide de la méthode de détection histochimique des cholinestérases utilisant comme substrat l ‘acétylthiocholine (Koelle et Friedenwald, 1949). Des méthodes autoradiographiques à haute résolution, qui permettent une évaluation quantitative des activités enzymatiques, ont montré, en utilisant des inhibiteurs tritiés, que l’acétylcholinestérase est surtout concentrée dans la région de plis sous-neuraux (Salpeter, 1967). D’autre part McMahan, Sanes et Marshall (1978), en supprimant par d’ingénieux procédés expérimentaux l”axone moteur et la fibre musculaire sont parvenus à séparer la lame basale musculaire à la fois des rameaux nerveux terminaux et du reste de l’appareil sous-neural. Ils ont pu ensuite montrer histochimiquement que cette lame basale est elle-même le siège d’une forte activité cholinestérasique.
Un des postulats fondamentaux de la théorie chimique de la transmission neuromusculaire, c’est évidemment que l’acétylcholine libérée au niveau de la jonction neuromusculaire provienne de la terminaison nerveuse motrice. Les deux principales voies empruntées jusqu’à présent pour aborder cette question d’importance majeure ont été soit l’étude de la distribution d’une enzyme intervenant directement dans la synthèse de l ‘acétylcholine, telle que la choline acétyltransférase (ChAT), soit l ‘étude de la distribution de l ‘acétylcholine elle-même. En ce qui concerne la ChAT, des expériences de dénervation ont montré que la différence d’activité observée entre les portions “neurales” et “aneurales” de ces muscles peut être presque entièrement attribuée aux fibres nerveuses motrices et à leurs terminaisons. Il paraît donc naturel de supposer que l ‘acétylcholine libérée au niveau des terminaisons motrices soit surtout d’origine présynaptique.
Quant à la distribution de ! ‘acétylcholine, nous rappellerons seulement que des expériences de fractionnement subcellulaire ont permis à Israël, Gautron et Lesbats (1968) de montrer que dans l’organe électrique de la Torpille, dont toutes les terminaisons nerveuses sont du type cholinergique, une grande partie de l’acétylcholine qu’elles contiennent est associée aux vésicules synaptiques, organites caractéristiques de la portion présynaptique des jonctions.
La localisation cytochimique des récepteurs de l ‘acétylcholine au niveau des jonctions neuromusculaires n’a été réalisée qu’après une longue série d’échecs. Elle n’est en effet devenue possible qu’après la découverte de toxines extraites de venins de serpents qui possèdent la propriété de se lier spécifiquement, avec une haute affinité, aux récepteurs cholinergiques. Ces toxines, et notamment l ‘alpha-bungarotoxine, peuvent être rendues radioactives sans perdre leurs propriétés biologiques. La distribution des récepteurs de l’acétylcholine au niveau des jonctions nerf-électroplaques et des jonctions neuromusculaires a pu, de ce fait, être étudiée à l’aide de méthodes autoradiographiques. Après l’isolement et l’identification des récepteurs de l ‘acétylcholine à partir des organes électriques de l ‘Electrophorus (Changeux, Kasai et Lee, 1970) et de Torpedo (Miledi, Molinoff et L.T. Potter, 1971 ), la localisation, à l ‘échelle cellulaire et subcellulaire, de ces récepteurs a été entreprise, en microscopie photonique et électronique, avec.des toxines marquées à l’iode radioactif ou au tritium, à la fois sur les électroplaques et sur les jonctions neuromusculaires. L’étude de la distribution des récepteurs cholinergiques dans les électroplaques d’Electrophorus a mis en évidence la haute densité de ces récepteurs au niveau de la membrane sous-synaptique. Il en a été de même pour la jonction neuromusculaire de la souris et de la grenouille; mais, dans les deux cas, la haute concentration des récepteurs se limitait à la portion juxtaneurales des plis sous-neuraux.
Les protéines synaptiques
Le développement des techniques de fractionnement subcellulaire, le perfectionnement des techniques d’électrophorèse appliquées aux protéines, les progrès de l’immunocytochimie ultrastructurale et les extraordinaires possibilités qu’offre maintenant la biologie moléculaire, et en particulier la génétique moléculaire, toutes ces acquisitions méthodologiques ont dès maintenant permis une impressionnante moisson de précisions nouvelles sur la nature et la distribution des protéines localisées au niveau des synapses. Elles ouvrent d’autre part des perspectives inespérées à l ‘étude ultérieure des structures synaptiques. Parmi les techniques auxquelles nous sommes spécialement redevables des progrès accomplis durant ces dernières décennies dans l ‘étude des protéines synaptiques, il y a lieu de citer la technique aujourd’hui si usuelle d’électrophorèse sur gel de polyacrylamide (PAGE) après dissociation des sous-unités par le détergent SDS (dodécylsulfate de sodium) et la préparation d’anticorps monoclonaux. Je ne mentionnerai ici que des exemples de protéines synaptiques appartenant pour la plupart à la jonction neuromusculaire, identifiées et localisées dans plusieurs compartiments de cette jonction grâce aux techniques dont nous disposons aujourd’hui.
Dans le compartiment présynaptique, qui comprend des mitochondries, des microtubules, des microfilaments d’actine et des vésicules synaptiques, ce sont ces derniers orgaanites et leurs rapports avec la membrane présynaptique qui ont d’abord retenu le plus l’intérêt des cytochimistes. Les membranes qui entourent les vésicules contiennent des protéines transmembranaires, intégrées dans la bicouche lipidique, la synaptophysine et la synaptobrévine. La synapsine I n ‘est pour la membrane vésiculaire qu’une protéine périphérique; mais cette phosphoprotéine est susceptible de jouer un rôle important dans les relations fonctionnelles des vésicules et du cytosquelette de la terminaison axonale. Il est à noter qu’après l’exocytose de vésicules synaptiques, des protéines de type vésiculaire ont été mises en évidence dans la membrane de la terminaison nerveuse (Valtorta, Jalrn, Fesce, Greengarcl et Ceccarelli, 1988).
Des divers compartiments que comprend la jonction neuromusculaire, la lame basale synaptique est peut-être l’un de ceux dont l ‘on connaît le mieux aujourd’hui les divers constituants. Il a déjà été possible d ‘y déceler du collagène de type IV, de la fibronectine, de la S-laminine, un protéogycane à sulfate cl ‘héparine (HSPG), de l’agrine el de l’acétylcholinestérase.
Nous verrons plus loin le rôle qui a été attribué à l ‘agrine dans la formation et le maintien de la jonction neuromusculaire. Quant à l ‘activité cholinestérasique de la jonction neuromusculaire dont on savait depuis longtemps qu’elle était principalement postsynaptique et liée pour sa plus grande part à l’appareil sous-neural, sa localisation extracellulaire dans la lame basale synaptique constitue un progrès important et inattendu qui coïncide avec un autre progrès dans l ‘identification de l ‘activité cholinestérasique. Les diverses cholinestérases des vertébrés, similaires dans leurs propriétés catalytiques, diffèrent en effet par leurs paramètres hydrodynamiques, en particulier par leurs coefficients de sédimentation, et par leur structure quaternaire (Massoulié et S. Bon, 1982). L’acétylcholinestérase qui siège dans la lame basale synaptique est une forme asymétrique, caractérisée par une queue collagénique que ne possède pas la forme globulaire.
Ainsi que nous l ‘avons vu précédemment, c’est au niveau des crêtes juxta-neurales des plis de la membrane postsynaptique que se trouvent concentrés les récepteurs nicotiniques de l ‘acétylcholine. Ce récepteur, qui a bénéficié de recherches remarquablement approfondies, est une glycoprotéine transmembraire, cylindrique, dont l’axe est perpendiculaire à la membrane postsynaptique, et qui comprend 5 sous-unités de 4 types différents assemblés en un pentamère α2 βγδ, centré par le canal ionique. Chacune des cieux sous-unités α de ce recepteur-canal porte un site récepteur de l’acétylcholine. Au microscope électronique, le récepteur se présente en coupe transversale sous la forme d’une rosette, centrée par le canal ionique.
Outre les récepteurs de l ‘acétylcholine, la membrane postsynaptique contient également d ‘autres protéines, parmi lesquelles une molécule d ‘adhésion, la N-CAM (neural cell adhesion molecule). Durant ces dernières années, grâce à des recherches conjointes sur les jonctions nerf/électrocite et nerf/muscle, les groupes de Cartaud et de Changeux ont entrepris, en collaboration, une caractérisation des constituants du sarcoplasme sous-neural, en particulier du cytosquelette, qui a conduit à l’identification de plusieurs protéines spécifiques du domaine sous-neural, impliquées dans des interactions membrane-squelette (43 kD, 54 kD, ankyrine, dystrophine); des études de liaison in vitro leur ont permis, d’autre part, d’identifier un récepteur membranaire de la dystrophine (58 kD ou syntrophine).
Dans cette revue sommaire de travaux relatifs aux protéines des structures synaptiques, exception faite d’une brève mention du récepteur-canal de l’acétylcholine, nous n’avons pas abordé le chapitre, devenu capital, des canaux ioniques, ni celui des protéines réceptrices liées aux protéines G. L’étude de ces protéines dépend pour une très large part de techniques électrophysiologiques du type “patch-clamp”; mais, combinées aux techniques du génie génétique, en recourant notamment aux ovocytes de xénope ou à des cellules transfectées, ces techniques empruntées à la biophysique apportent aujourd’hui à la cytochimie des protéines synaptiques une contribution de plus en plus considérable.
L’EXOCYTOSE SYNAPTIQUE
De toutes les données qui puissent aujourd’hui servir à élucider le mécanisme de libération de l’acétylcholine dans la transmission synaptique, l ‘une des mieux établies, c’est que l’acétylcholine est libérée par “paquets multimoleculaires” ou “quanta”. Cette loi de la transmission synaptique, découverte par Katz et ses collaborateurs (1950-1963), s’applique d ‘ai lieurs à d’autres synapses que les synapses cholinergiques. La démonstration en a été faite sur les jonctions neuromusculaires et les ganglions sympathiques, mais aussi sur des synapses excitatrices et inhibitrices. Avant même que les méthodes de fractionnement subcellulaire aient démontré l ‘existence d’un lien direct entre l ‘acétylcholine et les vésicules synaptiques, le rapprochement avait été fait entre la libération de l ‘ acétylcholine par quanta et la présence dans les terminaisons nerveuses de nombreuses vésicules. Il en est résulté ce qu’on appelle communément l’hypothèse vésiculaire: le quantum d’acétylcholine pourrait correspondre à la quantité d’acétylcholine libérée dans la fente synaptique par l’ouverture d’une vésicule à la surface de la membrane présynaptique.
L’hypothèse d’une libération de l ‘acétylcholine par un phénomène d’exocytose comparable à celui qui a été mis en évidence dans de nombreuses sécrétions a trouvé un appui direct dans des observations de microscopie électronique. Bien qu’elles soient en général massées au voisinage de la fente synaptique, les vésicules synaptiques paraissent indépendantes de la membrane présynaptique, à l’exception d’un certain nombre d’entre elles dont les relations avec la membrane sont beaucoup plus étroites. Ces relations entre certaines vésicules et la membrane ont été signalées par plusieurs auteurs dès les premières descriptions de synapses observées avec le microscope électronique. Au niveau de chaque “complexe synaptique” un amas de vésicules se trouve généralement accolé à un matériel juxtamembranaire opaque aux électrons, correspondant aux “presynaptic dense projections”. Des structures très comparables aux “dense projections” des synapses centrales ont été observées au niveau des jonctions neuromusculaires, en particulier chez la grenouille (Birks, H.E. Huxley et Katz, 1960). Elles sont habituellement situées au-dessus de l ‘ouverture des plis sousneuraux. Des observations ultérieures sur la jonction neuromusculaire de la grenouille ont montré que chez cet animal la “dense projection” est allongée en forme de barre et que des dizaines de vésicules synaptiques, distribuées en deux rangées parallèles assez régulières, sont accolées à cette barre. Des vésicules appartenant à ces doubles rangées peuvent s’ouvrir dans la fente synaptique, devenant alors des poches dont la paroi se continue avec la membrane présynaptique. Il convient de souligner que les images de vésicules synaptiques attachées ou ouvertes, très différentes des images d’endocytose, n’ont été observées, sur des centaines de jonctions neuromusculaires normales, qu’au niveau de ces “zones actives”. L’application des techniques de cryofracture et de cryodécapage à l’étude de la jonction neuromusculaire a fourni de nouveaux critères pour définir les “zones actives”. Grâce à ces techniques a été décrite de chaque côté de la barre une double rangée de particules intramembranaires, qui témoignent clairement de la différenciation de la membrane présynaptique au niveau des “zones actives” (Dreyer, Peper, Akert, Sandri et Moor, 1973).
L’ouverture de vésicules des “zones actives” n’est pas seulement observable après une fixation chimique. Des images identiques ont pu être obtenues après stimulation en recourant à une congélation rapide, non précédée d’une fixation chimique, ni d’un traitement par une substance cryoprotectrice (Heuser, 1977). La congélation avait été précédée d’un traitement par la 4-aminopyridine ( 1 mM), qui accroît notablement la libération de l ‘acétylcholine au niveau de la jonction neuromusculaire.
L’exocytose synaptique a pu également être étudiée sur les synapses interneuronales inhibitrices dont le neurotransmetteur est la glycine et qui siègent à la surface de la Cellule de Mauthner du bulbe des poissons téléostéens (Korn et Triller, 1985). Chacun des boutons terminaux par lesquels les axones exercent leur action inhibitrice sur la Cellule de Mauthner ne contient qu’une seule “zone active” et c’est à son niveau que des exocytoses peuvent être observées. Il paraît probable qu’un cycle d’exo-endocytose assure le renouvellement des vésicules qui s’attachent et s’ouvrent au niveau des “zones actives”. L’existence d’un tel cycle implique des mouvements des vésicules d’une régulation très complexe, à laquelle la synapsine 1 prendrait une part importante en liant les vésicules synaptiques aux microfilaments d ‘actine et aux microtubules.
LES INTERACTIONS CELLULAIRES DANS LA DIFFERENCIATION DES AIRES SYNAPTIQUES
Des recherches sur le développement des plaques motrices m ‘avaient depuis très longtemps suggéré que “dans la zone où s’effectue leur jonction la fibre nerveuse et la fibre musculaire acquièrent par une sorte d’induction réciproque, qui s’exerce au cours de leur développement, des propriétés morphologiques et biochimiques qu’elles ne présentent nulle part ailleurs au même degré” (1941). Les recherches ultérieures n’ont pu que fortifier cette hypothèse, mais elles ont également fait apparaître l ‘extrême complexité des interactions cellulaires qui aboutissent à la formation des jonctions neuromusculaires, où se trouvent étroitement associés motoneurones, fibres musculaires, cellules de Schwann et fibroblastes.
Diverses expériences s’accordent avec l’hypothèse d’ une action différenciatrice des fibres nerveuses motrices sur les fibres musculaires striées. Les expériences les plus simples en faveur de cette action des fibres nerveuses motrices sont celles qui montrent qu’après la suppression de la portion innervée d ‘un muscle le transfert du nerf moteur dans une région de ce muscle normalement aneurale peut y déterminer la formation de nouvelles myosynapses. Grâce à la forme allongée et rectiligne de ses rameaux nerveux terminaux et à la périodicité de certaines de leurs structures pré- et postsynaptiques, les jonctions neuromusculaires du type buisson de Kühne de la grenouille se prêtent remarquablement bien à l ‘étude des influences d ‘ordre morphogénétique que peuvent exercer l ‘une sur l ‘autre la fibre nerveuse motrice et la fibre musculaire striée. Chez des individus adultes, les plis sous-neuraux des myosynapses sont disposés transversalement par rapport aux rameaux nerveux terminaux et changent d’orientation en même temps qu’eux, en particulier à chacune de leurs bifurcations. Ces observations sont corroborées par l ‘étude du développement. Durant la phase de la croissance, où augmentent le nombre et les dimensions des rameaux nerveux terminaux, l’orientation des nouveaux plis sous-neuraux apparaît toujours subordonnée à celle des rameaux de la terminaison nerveuse. Un autre fait, qui pourrait être expliqué par une interaction neuromusculaire de sens inverse de la précédente, c’est l ‘exacte correspondance qui existe entre chacune des “zones actives” de la membrane présynaptique et un pli de l ‘appareil sous-neural. Dans les muscles de la grenouille où les plis sous-neuraux persistent longtemps après la dénervation, on constate, en suivant la régénération des rameaux nerveux terminaux dans les anciennes gouttières synaptiques que les rameaux régénérés, même encore très grêles et ne recouvrant que partiellement les anciens plis, peuvent déjà posséder des “zones actives” dont la distribution coïncide avec celle d’anciens plis, comme dans une myosynapse normale ( 1975). Il est donc probable que l ‘ancienne région sous-synaptique de la fibre musculaire, tout spécialement à l ‘entrée de chaque pli, exerce une influence déterminante sur la distribution des “zones actives” de la terminaison nerveuse régénérée. Les recherches de McMahan, Marshall et Sanes sur la régénération du nerf moteur dans le muscle strié de la grenouille confirment cette hypothèse et permettent même d’aller beaucoup plus loin dans la localisation de l’agent inducteur des “zones actives”: elles montrent qu’après une destruction expérimentale de la fibre musculaire qui laisse subsister la lame basale, les “zones actives” des rameaux nerveux régénérés se forment chacune au-dessus d ‘une portion de la lame basale correspondant à un pli sous-neural.
Les travaux ultérieurs de cette équipe ont jeté une lumière nouvelle sur le rôle de la lame basale synaptique dans la différenciation des deux plasmalemmes entre lesquels elle se trouve située. Leurs nouvelles expériences reposent sur le postulat qu’une profonde homologie existe entre le muscle et l’organe électrique de Torpedo qui est considérablement plus riche en synapses que le muscle. Dans des fractions d’organe électrique enrichies en lames basales un facteur “agrine” a été trouvé qui induit sur des myotubes de poulet cultivés in vitro la formation de “patches” contenant de hautes concentrations de récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine, d’acétylcholinestérase et de butyrylcholinestérase, trois constituants de l’appareil sous-neural. Des anticorps monoclonaux anti-agrine coloraient intensément les fentes synaptiques des jonctions neuromusculaires de Torpedo, de grenouille et de poulet, montrant que le facteur d’agrégation de ces trois protéines, localisées clans la lame basale de la jonction neuromusculaire, est immunologiquement semblable à l’agrine. Les anticorps anti-agrine coloraient aussi le cytoplasme des corps cellulaires des motoneurones. Ces observations suggèrent que les molécules synthétisées par les motoneurones pourraient être libérées par les terminaisons axonales et incorporées dans la lame basale synaptique.
Les résultats de ces expériences, qui constituent une notable avance dans l’analyse des facteurs qui interviennent dans la formation de la jonction neuromusculaire, soulèvent les mêmes problèmes que les inductions morphogénétiques qui ont été envisagées plus haut: par quels mécanismes ces facteurs exercent-ils leur influence sur la formation, le maintien et la régénération des spécialisations pré- et postsynaptiques?
En ce qui concerne les récepteurs nicotiniques de l ‘acétylcholine, il est probable que d’autres facteurs participent, conjointement avec l’agrine, à la régulation de leur biosynthèse. C’est ce que suggèrent notamment des expériences montrant qu’un neuropeptide, le CGRP (calcitonin gene-related peptide), présent dans les motoneurones spinaux. augmente la synthèse de ces récepteurs dans des myotubes de poulet culvités in vitro (Fontaine, Klarsfeld, Hökfelt et Changeux, 1986).
PROBLÈMES SOULEVÉS PAR CERTAINES SPÉCIALISATIONS DU CYTOPLASME SOUS-SYNAPTIQUE
En dépit des progrès techniques considérables dont ont bénéficié les recherches sur les synapses durant ces dernières années, bien des problèmes se posent encore dont la solution nous échappe encore complètement. J’envisagerai ici, à titre d’exemples, les problèmes que soulève l’étude de trois spécialisations cytoplasmiques sous-synaptiques qui restent aujourd’hui encore tout à fait énigmatiques.
1 ° L’appareil épineux a été décrit par Gray dès 1959 dans les épines qui hérissent les dendrites des cellules pyramidales du cortex cérébral. Cet appareil siège dans la profondeur du cytoplasme sous-synaptique des épines dendritiques, mais sa présence dépend de la taille de l ‘épine et du type de synapse qu’elle porte. Il est composé de deux ou plusieurs sacs aplatis ou citernes, séparés par des plaques de matériel opaque aux électrons. Dans les épines dendritiques du cortex visuel de la souris, on a pu établir par reconstruction tridimensionnelle qu’il existe des relations de continuité entre les plaques denses de l’appareil épineux et la densité postsynaptique (1980) et, d’autre part, des relations de continuité ont été également démontrées entre les citernes de! ‘appareil et le réticulum endoplasmique lisse (1985).
2° Au niveau des synapses ganglionnaires de la chaîne symapthique lombaire de la grenouille, une strate sous-synaptique opaque aux électrons, nettement distincte de la densité postsynaptique dont elle est séparée par quelques dizaines de nanomètres, a été étudiée par Taxi depuis 1961. C’est une formation d’environ 50 nm d’épaisseur, disposée parallèlement aux membranes apposées et siégeant généralement à l’intérieur d’une très légère saillie de la surface neuronale. Une deuxième strate, siégeant encore plus profondément à l’intérieur du cytoplasme sous-synaptique, est parfois visible, disposée parallèlement à la précédente et située au-dessous d ‘elle à une distance de quelques dizaines de nanomètres. Ces deux strates et la densité postsynaptique, séparées par des couches moins opaques, forment ensemble une sorte de cône stratifié, dont la base est appliquée contre la membrane plasmique, en une région de cette membrane qui fait justement face à l’amas de vésicules présynaptiques. Des corps denses, comparables à ceux des ganglions de grenouille, mais de formes différentes, ont été également observés par plusieurs auteurs dans le cytoplasme sous-synaptique de diverses synapses centrales de chat ( 1966, 1967).
3° Il a été montré que le sarcoplasme des interplis de l ‘appareil sous-neural est traversé, dans les muscles de la grenouille, par des faisceaux de “filaments sous-neuraux”, disposés parallèlement aux plis sur la plus grande partie de leur trajet (1968). C’est au milieu du faisceau des filaments sous-neuraux que s’observent des formations cylindriques, présentant généralement un diamètre de 150-300 nm, entourées par les filaments sous-neuraux et orientées comme ces derniers parallèlement aux plis. A l’intérieur de chacun de ces “cylindres sous neuraux” (1977) court un ruban ou cordon très dense, passant par l’axe du cylindre.
Quand ils sont coupés longitudinalement, selon un plan passant par leur axe, les cylindres offrent un aspect qui peut être comparé à celui d’une inflorescence en chaton (willow-pussy). Si l’on examine les cylindres sur toute leur longueur, on constate qu’ils présentent des connexions à la fois avec le plasmalemme et avec le réticulum sarcoplasmique. Les relations entre les cylindres et le réticulum sarcoplasmique lisse revêtent plusieurs modalités. Des tubules, issus du réticulum sarcoplasmique qui engaine les myofibrilles, s’engagent à l’intérieur des interplis et entrent en rapport avec la surface des cylindres. Certains de ces sarcotubules pénètrent même à l’intérieur des cylindres et les traversent en contournant le ruban axial. D’autre part, lorsque l ‘interpli est placé au voisinage d’une triade, des connexions peuvent être parfois observées entre l’un des bords du ruban axial et la membrane des citernes terminales. Les sarcotubules dont nous venons de voir qu’ils sont étroitement liés aux cylindres font partie d’un système canaliculaire qui siège clans tous les interplis et qui se continue avec les autres parties du réticulum sarcoplasmique entourant les organites voisins, myofibrilles et noyaux, et en particulier les noyaux sous-synaptiques de la jonction musculaire. Il est à noter que les sarcotubules des interplis portent parfois des ribosomes. Par leurs relations avec les tubules du réticulum sarcoplasmique granulaire et agranulaire, avec les filaments sous-neuraux et avec la membrane sarcoplasmique, les cylindres sous-neuraux semblent particulièrement bien placés pour intervenir dans la régulation locale du métabolisme sous-synaptique; mais, jusqu’à présent, les recherches sur l ‘organisation postsynaptique de la synapse myoneurale n’ont pas apporté de données précises, notamment d’ordre cytochimique, qui pussent étayer cette hypothèse.
LES FENTES SYNAPTIQUES
Aux difficultés d’interprétation des structures cellulaires qui viennent d’être évoquées à propos de quelques spécialisations cytoplasmiques sous-synaptiques s’ajoutent d’autres problèmes d’une portée plus générale et qui n’ont pas encore été resolus, concernant par exemple la signification structurale et fonctionnelle de la fente synaptique. Quelle que soit la considérée, les aspects que présentent sur des micrographies électroniques les membranes plasmiques dans la zone d’apposition sont très comparables; néanmoins, la largeur de cette fente, sensiblement constante pour chaque synapse, peut varier notablement d’un type de synapse à l ‘autre; alors qu’elle est, par exemple. del ‘ordre de 20 nm pour certaines synapses interneuronales, cette largeur atteint 30 nm pour d’autres synapses intemeuronales et se montre généralement supérieure à 400 nm pour les jonctions neuromusculaires des muscles striés de vertébrés. Au niveau des synapses interneuronales dont la fente est la plus large, il a été possible de mettre en évidence entre les deux membranes plasmiques une bande intermédiaire opaque aux électrons, rappelant par sa position la lame basale synaptique de la jonction neuromusculaire. En revanche, au niveau des autres synapses interneuronales dont la fente est plus étroite, la faible opacité aux électrons de cette fente sur les micrographies électroniques du type habituel incite à la considérer comme un espace intercellulaire dépourvu de toute véritable organisation. En fait, le traitement par le tétroxyde d’osmium suivi ou non d’un traitement par l’acide phosphotungstique ou par l’acétate d’uranyle, ou par d’autres “colorants” utilisés en microscopie électronique, n’apporte pas d’argument concluant concernant le degré d’organisation de la fente synaptique. Même dans les cas où il n ‘a pas été jusqu’à présent possible de déceler dans la fente d’une synapse chimique la moindre ultrastructure, l ‘étude de ses constituants reste évidemment de grande importance. On peut espérer que de nouvelles méthodes empruntées notamment à l’immunocytochimie et à la biologie moléculaire, apporteront bientôt des données précises sur les constituants des fentes synaptiques et sur le rôle qu’ils pourraient jouer non seulement dans l’adhérence des membranes apposées, mais aussi dans les mécanismes de la transmission synaptique et des inductions morphogénétiques intercellulaires qui s’exercent à travers ces fentes.