Royaume-Uni
Colin Renfrew
Prix Balzan 2004 pour l'archéologie préhistorique
Né en à Angleterre, Colin Renfrew a fait ses études à l’Université de Cambridge, où il est ensuite devenu professeur et où il a fondé et dirige le McDonald Institute for Archaeological Research. Membre de nombreuses académies européennes, il est Fellow de la British Academy depuis 1981 et a été nommé membre de la Chambre des Lords en 1991. Docteur honoris causa des Universités de Sheffield, Athènes, Southampton, Edimbourg et Liverpool, il a reçu plusieurs prix internationaux parmi lesquels le Prix Latsis de la European Science Foundation. En dehors de la Grande Bretagne, il a dirigé des fouilles en Grèce, à Saliagos, Sitagroi, Phylakopi, Markiani et Keros.
Les travaux de cet éminent chercheur ont deux caractéristiques exceptionnelles: d’une part un impact et une influence sur l’archéologie britannique, européenne et mondiale sans égal parmi les archéologues de la génération de leur auteur, aussi bien en ce qui concerne les élaborations théoriques que les brillantes applications concrètes; d’autre part, ils révèlent une grande capacité critique et une extrême sensibilité aux exigences de la discipline archéologique considérée non pas dans la perspective limitée d’une ou plusieurs aires géographiques, d’une ou plusieurs périodes, mais ouverte à une conception que l’on pourrait définir universaliste. Grand innovateur de la discipline archéologique, Colin Renfrew a été un protagoniste de premier plan de ce qu’on appelle la “New Archaeology”, dite aussi “Archéologie processuelle”.
La plupart de ses ouvrages sont devenus des classiques en raison de leurs apports extrêmement riches et ponctuels; ils comprennent systématiquement une critique préliminaire équilibrée des travaux précédents, une présentation exhaustive des critères méthodologiques adoptés et un examen des perspectives de recherche futures.
Parmi ses travaux les plus importants rappelons: The Emergence of Civilisation. The Cyclades and the Aegean in the Third Millennium B.C. (1972); Before Civilisation: The Radiocarbon Revolution and Prehistoric Europe (1973: traduit en japonais, français [Les origines de l’Europe. La révolution du radiocarbone], espagnol et italien); Problems in European Prehistory (1979); Approaches to Social Archaeology (1984); Archaeology and Language. The Puzzle of Indo-European origins (1987: traduit en italien, français [L’énigme indo-européenne: archéologie et langage], espagnol, suédois, norvégien et japonais); Archaeology. Theories, Methods and Pratice (avec P. Bahn: 1991, traduit en grec, italien, polonais, espagnol); The Roots of Ethnicity: Archaeology, Genetics and the Origins of Europe (1993); Loot, Legitimacy and Ownership: The Ethical Crisis of Archaeology (2000), et le très récent Figuring it out: The Parallel Visions of Artists and Archaeologists (2003).
Ses contributions au renouvellement de l’archéologie européenne et occidentale en général ont été uniques et rigoureuses, sans les excès des tendances américaines parallèles. Dès les années 70, il a appliqué avec succès la théorie des systèmes dans sa magistrale analyse de la civilisation des Cyclades du IIIe millénaire av. J.C. Dans ses nombreux ouvrages sur le changement culturel, toujours traité dans une perspective sociale, il a également remplacé la méthode classificatoire traditionnelle par une approche interprétative et explicative. Ses analyses chronologiques très pointues ont eu un fort impact. A partir des années 70, des méthodes scientifiques basées sur la datation par le carbone 14 ont permis de dégager d’importants aspects et phases de la préhistoire européenne de l’âge du bronze surtout, de l’influence traditionnellement reconnue des grandes civilisations urbaines de l’Orient antique.
Dans les années 80, Colin Renfrew a suivi avec une grande sensibilité critique les mouvements innovateurs de la théorie archéologique, prêtant une attention particulière à l’archéologie sociale et à l’archéologie cognitive. Il a publié un brillant essai sur le problème des origines indo-européennes, où il établit des rapports entre les phases du développement économique, des innovations technologiques, des structures sociales et des processus démographiques. Ce livre a relancé le débat sur un sujet fascinant: la localisation de l’aire nucléaire des Indo-européens dans l’Anatolie orientale, à l’encontre de la plupart des opinions traditionnelles; l’affirmation des Indo-européens en liaison avec l’agriculture et la sédentarisation néolithique. En proposant une vision nouvelle des rapports entre la linguistique et l’archéologie, Colin Renfrew suggère des solutions révolutionnaires pour le problème Indo-européen. Son ouvrage le plus récent, insolite pour un archéologue professionnel, traite des démarches parallèles des artistes et des archéologues dans le monde d’aujourd’hui; c’est un essai d’une grande finesse, qui ouvre toute une série de perspectives et de réflexions inattendues.
Le thème fondamental de la relation entre archéologie et sciences physiques, présent dès ses premières recherches sur l’obsidienne en Anatolie, a été ensuite étayé par de solides bases institutionnelles, et jusque sur le plan de l’organisation de la recherche, avec la fondation d’un laboratoire de recherche génétique dans le McDonald Institute; parmi les sujets abordés par ce laboratoire, citons la population de l’Océan pacifique et la préhistoire génétique de la domestication du cheval. L’intégration entre archéologie, paléoclimatologie et génétique constitue le fondement des recherches que Colin Renfrew dirige.
Auteur, avec P. Bahn, d’un manuel sur l’archéologie comme discipline globale, qui met en évidence la conception ouverte et universelle qui est la sienne, Colin Renfrew s’est récemment engagé, y compris sur le plan politique, dans une lutte méritoire contre le saccage des sites archéologiques et le commerce des antiquités; dans ce but il a créé un Centre spécialement chargé de s’occuper de ce problème déterminant pour la sauvegarde du patrimoine culturel de l’humanité. Ce Centre a exercé une forte pression sur le gouvernement du Royaume Uni pour qu’il signe la Convention de l’unesco de 1970. Animateur infatigable et stimulant du débat théorique sur l’archéologie, sa fonction et ses méthodes, Colin Renfrew s’est interessé ces derniers temps à la façon dont les grandes civilisations extra-européennes, comme la Chine et l’Inde, réfléchissent sur leur passé.