États-Unis
James P. Allison et Robert D. Schreiber
Prix Balzan 2017 pour les approches immunologiques dans la thérapie du cancer
Le docteur Schreiber est un scientifique exceptionnel qui a tout d’abord porté son attention sur la biochimie et la biologie moléculaire des cytokines et en particulier le rôle des interférons-gamma dans les réponses immunitaires aux tumeurs. Il est surtout connu pour avoir contribué de façon significative à notre compréhension du rôle du système immunitaire dans la destruction et le développement du cancer.
Robert Schreiber et ses collègues ont utilisé des souris normales et des souris immunodéficientes génétiquement modifiées pour montrer que le système immunitaire peut éliminer un cancer en phase initiale ou bien maintenir des cellules tumorales dans un état de sommeil immuno-médié. Ils ont ensuite montré que le système immunitaire peut non seulement détruire des tumeurs primaires spontanées ou induites par des substances carcinogènes (immunosurveillance), mais qu’il peut aussi sculpter l’immunogénicité des cellules tumorales en sélectionnant les cellules cancéreuses les moins immunogéniques qui ont le plus de chance de survivre chez un hôte immunocompétent (ce qu’on appelle immunoediting). Les travaux de Robert Schreiber ont non seulement permis de résoudre une question vieille d’un siècle, à savoir si le système immunitaire affecte le développement du cancer, mais ils ont aussi créé la plateforme conceptuelle et expérimentale sur laquelle on a pu construire les immunothérapies antitumorales qui réussissent aujourd’hui. L’équipe de Robert Schreiber a mis en lumière les mécanismes sous-jacents à l’immunoediting et démontré l’importance des néo-antigènes mutants spécifiques aux cellules cancéreuses en tant que cibles de ce processus. Plus spécifiquement ils ont montré que les néo-antigènes mutés spécifiques au cancer (qui sont des antigènes présents sur et dans les cellules tumorales, mais pas dans les cellules normales) sont reconnus par le système immunitaire comme des entités étrangères et sont ciblés pour être détruits par les cellules T cytotoxiques.
Plus récemment, Robert Schreiber a été un pionnier dans le développement d’une méthode immunogénomique qui identifie les séquences des néo-antigènes tumoraux mutés que le système immunitaire a le plus de chance de reconnaître et qui pourrait conduire au développement d’une immunité capable de détruire la tumeur grâce aux puissantes cellules T cytotoxiques. Actuellement les efforts de Robert Schreiber, en tant que directeur fondateur du Bursky Center for Human Immunology and Immunotherapy Programs, visent à développer de nouveaux vaccins anti cancer basés sur des néo-antigènes thérapeutiques qui seraient plus spécifiques, plus efficaces et plus sûrs que les formes courantes d’immunothérapies anti tumorales.
En résumé le docteur Schreiber a créé le domaine de l’immunologie antitumorale moderne, essentiellement en montrant que les cancers se développent spontanément chez des souris dont l’immunité a été compromise et en proposant et illustrant le concept d’immunoediting où les cellules tumorales modulent leurs antigènes pour échapper aux attaques du système immunitaire. Il en a élucidé les bases génétiques moléculaires et a étudié la possibilité de renverser la situation grâce au blocage des checkpoints. Ces données ont représenté un grand changement du champ de recherche concerné.
Pour ses découvertes fondamentales Robert Schreiber a reçu des récom- penses et des honneurs prestigieux. En particulier il a été élu à l’American Academy of Arts and Sciences, à la National Academy of Sciences des États-Unis et a été nommé au Biden Blue Ribbon Panel on the Cancer Moonshot Program en 2016. Il a également reçu le Coley Award for Distinguished Research in Basic and Tumor Immunology de la part du Cancer Research Institute, le Charles Rodolphe Brupbacher Prize for Cancer Research et le Lloyd J. Old Prize in Cancer Immunology de la part de l’American Association for Cancer Research.
En tant que professeur assistant à la University of Texas Cancer Center, Science Park (Smithville), James Allison a participé à la caractérisation de la structure protéique du récepteur du lymphocyte T. Après avoir rejoint l’université de Californie à Berkeley, il a concentré son attention sur l’interaction entre les cellules cytotoxiques T et les cellules présentatrices d’antigènes (APC ou CPA) qui les activent. Il a découvert que CD28 est une importante molécule costimulatrice à la surface des cellules T pour obtenir leur complète activation. Il a ensuite démontré qu’une protéine transmembranaire T appelée CTLA-4 (Cytotoxic T-Cell Associated Protein 4) dérègle la coactivation des cellules T et leur transmet un signal inhibiteur, entraînant la diminution de leur capacité destructrice vis-à-vis des cellules tumorales. La possibilité de réguler l’activité des cellules T par des anticorps monoclonaux bloquant la fonction inhibitrice de CTLA-4, conséquence des études de James Allison, a permis des progrès remarquables dans le domaine de l’immunothérapie. En 2004 Allison est passé de l’université de Californie à Berkeley au Memorial Sloan Kettering Cancer Research Center à New York pour participer à des tests de traitement sur des patients cancéreux : le but était d’augmenter l’efficacité des attaques de la cellule cytotoxique T sur les cellules tumorales en faisant disparaître l’effet inhibiteur du frein CTLA-4 grâce à un anticorps monoclonal dirigé contre cette protéine.
Ces tests de traitement furent un grand succès, les patients obtenant un net bénéfice de survie et certains même une rémission de la maladie métastatique. Il est indispensable de souligner que le Professeur Allison a été le premier à appliquer cette approche à l’homme à une époque où la majorité des scientifiques dans la communauté médicale doutaient de la faisabilité et de l’efficacité de cette stratégie. La procédure a été approuvée par la FDA (Food and Drug Administration, USA) en 2011. Au début, les études ont été faites sur des patients atteints de mélanome, mais comme l’anti-CTLA-4 cible une molécule spécifique du lymphocyte T et non une molécule spécifique de la tumeur, les études suivantes ont été également menées, avec des résultats bénéfiques impressionnants, sur des patients atteints d’autres types de tumeur comme des cancers de la prostate, du poumon, de l’ovaire et du pancréas. Les travaux d’Allison avec le CTLA-4 ont ouvert un domaine entièrement nouveau baptisé «thérapie des checkpoints immunologiques».
Soulignons que sans l’énergie et le charisme de James Allison, cette stratégie anticancer n’en serait pas là où elle en est aujourd’hui et qu’elle n’aurait même sans doute jamais été appliquée à des patients. Actuellement de nouveaux agents sont développés à grande échelle dans la communauté pour bloquer les checkpoints inhibiteurs, comme le système PD-1/PD-L1 découvert par Tasuku Honjo, Lieping Chen et collègues ; ils permettent d’obtenir des bénéfices cliniques importants chez les patients.
Les travaux fondamentaux du professeur James Allison dans le domaine de l’immunologie oncologique et de l’immunothérapie ont été couronnés par de nombreuses récompenses prestigieuses, dont le Lasker Clinical Medical Re- search Award en 2015. James Allison est membre de la National Academy of Sciences of the United States et de la National Academy of Medicine et il vient d’être élu à l’American Academy of Arts and Sciences.