Allemagne
Prix Balzan 2000 pour l'histoire du droit du 16e siècle à nos jours
Discours de remerciement – Rome 15.11.2000
Monsieur le Président de la République italienne,
Membres de la Fondation Balzan,
Monsieur le Président de l’Accademia dei Lincei,
Excellences,
Mesdames, Messieurs,
La communauté européenne n’est pas seulement politique et économique, elle est aussi juridique. Elle est fondée sur la reconnaissance des droits de l’homme et des droits civils, sur le respect de l’individu, sur le droit du citoyen à la tutelle juridique dans le cadre d’une procédure juridictionnelle correcte, et sur la conviction que l’Etat est au service de la personne.
Les grands principes juridiques de l’Europe sont issus d’un long passé douloureux, marqué par de nombreux conflits. C’est pourquoi ils sont bien établis. A première vue ils sont le fruit des révolutions du XVIIIe et du XIXe siècles: liberté et égalité, démocratie et état de droit.
Mais leur passé est en réalité beaucoup plus ancien. C’est d’abord la longue histoire du droit romain, depuis les douze tables jusqu’à Justinien, en passant par la Rome républicaine et l’Empire. Ce sont ensuite les écoles de Bologne et de Pavie, au moyen-âge, puis l’école française du XVIe siècle, la Hollande des XVIIe et XVIIIe siècles, et le droit allemand du XIXe siècle. C’est à cette époque-là seulement qu’on cessa d’employer le latin comme langue franque, le latin des juristes. L’époque funeste du nationalisme européen sembla détruire ces anciennes traditions.
Aujourd’hui, après un siècle de catastrophes européennes (surtout allemandes), on revient, dans le cadre d’un processus d’unification juridique, aux racines romaines et latines communes. Je suis heureux de pouvoir exprimer aujourd’hui ces pensées à Rome, dans ce cadre, qui est témoin de l’émotion que suscite en moi l’honneur de recevoir le Prix Balzan.
Que l’on me permettre d’évoquer brièvement les sources de mon engagement scientifique.
Ma génération, qui a grandi dans la paix, la liberté et le bien-être, était la génération des enfants du national-socialisme. Nous nous sommes sentis obligés de nous en occuper. J’ai eu un maître suédois, très apprécié, Sten Gagner, qui m’a donné la liberté et les encouragements qu’il fallait pour le faire.
Mon engagement politique en tant que citoyen m’a amené à réfléchir sur l’Etat et son administration. Ainsi, à la fascination que l’histoire de l’Europe a exercée sur moi s’est joint un intérêt pour le droit public.
Le thème qui a dominé mon parcours d’auteur a été l’histoire de la pensée juridique et politique, auquel se sont associés une réflexion sur l’élément intellectuel qui caractérise l’Europe et un intérêt permanent pour les violations de la sphère individuelle. La culture de la pensée juridique en Europe est loin d’être faible, elle est toutefois continuellement menacée. Elle a besoin de soins et d’attentions.
Le Prix Balzan m’encourage à continuer dans cette voie et surtout à transmettre aux nouvelles générations l’enthousiasme et le plaisir que procure la recherche scientifique.
J’exprime mes vifs remerciements pour le grand honneur qui m’est fait et qui rejaillit sur tous ceux qui partagent mes opinions et mes intérêts dans le domaine de l’histoire du droit européen.